Une étude IFOP sortie en février 2024 laisse entendre que les Français, pourtant réputés dans le monde entier être des « bons coups », ont égaré leur libido… Je vous dis tout sur les Français et l'amour, interviewée par Jérôme Pasanau, journaliste sur AirZen Radio.
Les jeunes français boudent l'amour et le sexe
Eh oui, cette étude réalisée par l'IFOP montre que les 18-24 ans boudent le sexe ! Mais à y regarder de plus près cette étude ne portait que sur les rapports sexuels c’est à dire deux sexes au moins qui se rencontrent, un moment de partage. Donc, l’étude ne portait pas sur le sexe solo, de soi à soi, la masturbation, l’utilisation de sextoys etc. Alors oui, il semble bien que les jeunes rechignent surtout à partager un moment de sexualité avec une autre personne.
J'y vois trois raisons principales. En tout premier, les jeunes se sentent moins obligés d’avoir des rapports sexuels qu’avant. De nos jours, ils savent, pour une grande majorité, dire « non » et éviter les « oui » mitigés. La notion de consentement est maintenant au coeur des relations chez les plus jeunes.
De plus, les réseaux sociaux ont permis la diffusion d’informations sur la sexualité qui étaient auparavant tabous et de montrer que l’absence de désir, celle de faire l’amour est plutôt courant. Il n’y a donc plus de stigmatisation mais une reconnaissance donc une acceptation.
Enfin, les shots de dopamine et d'endorphine ainsi que les "strokes" positifs ou les caresses de l'égo via les "likes" sur les réseaux sociaux sont tellement nombreux qu'ils créent une forme de satiété et d'auto-satisfaction en quelque sorte.
Faire l'amour ou regarder les écrans pour les Français ? Ou quand les écrans concurrencent la sexualité
Une autre raison, c’est la présence des écrans dans nos vies : la TV, les jeux vidéos, les ordinateurs, tablettes, téléphones… Faire l’amour est une activité engageante, qui demande de l’énergie, de l’investissement, du temps, l’envie de faire plaisir. Ce n’est pas le cas des écrans qui offrent une certaine facilité pour animer les soirées et une bonne excuse pour éviter de faire l’amour quand on n’en a pas envie.
Lisez mon article sur le sujet !
La libido c’est l’envie d’avoir un rapport sexuel, l’envie de s’occuper de soi, de canaliser son énergie vers une activité de rencontre génitale. Et cette activité est concurrencée par de multiples propositions qui donnent elles aussi une récompense, celle du plaisir. Ainsi, regarder un film, manger une glace, avoir un bon repas etc. sont des alternatives à la sexualité pour obtenir du plaisir, ou plutôt des shots répétés de dopamine.
La dopamine est impliquée dans de nombreuses fonctions. Elle joue un rôle dans le contrôle moteur, l’attention, le sommeil, la mémoire, la cognition, le plaisir et la motivation. Un niveau normal de dopamine est lié à une bonne humeur, favorise l’apprentissage, la productivité et la planification.
La dopamine est également impliquée dans le “système de récompense”, un circuit du cerveau indispensable à la survie qui donne la motivation nécessaire à un individu pour réaliser une action ayant pour conséquence une sensation de plaisir, une récompense ou un évitement de la punition. Dans ce cadre, si une action positive procure un plaisir immédiat, il y une libération de dopamine. Par exemple, vous mangez du chocolat, un met aphrodisiaque, et cela provoque un plaisir intense. Vous libérez de la dopamine, qui vous pousse manger à nouveau du chocolat.
Une bonne majorité des personnes interrogées dans le sondage déclarent préférer jouer aux jeux vidéo ou regarder un bon film plutôt que de faire l’amour. Le résultat du sondage fait sans doute sourire mais l’explication est simple. Ces activités donnent elles aussi du plaisir et nous font secréter dopamine, endorphines et adrénaline tout comme le sexe. Or, les applications sont conçues pour rendre les personnes addictives aux écrans, pour captiver leur attention, pour les retenir sur les écrans et leur proposer de la pub…
Le couple se sent moins obligé de faire l’amour
Doit-on faire l'amour pour être un couple ?
12% des Français disent être asexuels, c’est à dire qu’ils sont en couple mais n’ont pas de relation sexuelle. L’amour n’est plus considéré comme le « ciment du couple ». C’est une tendance qui semble en augmentation mais surtout parce qu’avant on ne parlait pas de ce comportement. Et quand on n’en parle pas… ça n’existe pas… Mais on y associait d’autres mots comme la frigidité, l’impuissance, la froideur. Des mots pleins de jugement et de honte en fait. Aujourd’hui, on en parle de plus en plus et l’asexualité ose se révéler. Mais ça ne veut pas dire qu’on n’a pas envie de se faire l’amour à soi-même…
Reste qu’on peut faire l’amour pour avoir des enfants. Or, le besoin de se reproduire aussi est de moins en moins présent dans la société, parce qu’il y a de plus en plus d’alternatives. Donc nous nous éloignons des schémas du mammifère pour aller dans des schémas plus conscients d’où des propositions comme la sexualité sacrée comme le Tantra ou le slow sex pour aller dans la caresse et dans le consentement. Ce n’était pas le cas pour les générations d’avant.
La sexualité des femmes dans le couple change
Les femmes ont aussi gagné en autonomie et il leur est plus facile de refuser un rapport sexuel. La notion de « devoir conjugal » s’éloigne pour permettre aux femmes de se demander si elles ont vraiment envie et de verbaliser leur désir ou leur absence de désir. Les femmes assument de plus en plus leur absence de désir et de plus, elles ont la capacité financière de dire « non » et de divorcer.
Il n’y avait pas ce choix auparavant. Le devoir conjugal était même inscrit dans des manuels donnés aux femmes pour leur faire comprendre que donner du plaisir à son mari était leur rôle ! En 2024, ce rôle de la ménagère au foyer a volé en éclat et on parle plutôt de retrouver le chemin du plaisir. Celui d’en recevoir et d’en donner.
Doit-on s’inquiéter de la baisse de la sexualité, de ce manque d'amour physique des Français ?
Sur un plan sociétal et politique sans doute car la baisse des relations sexuelles a un impact sur la natalité et sur nos retraites. Mais au niveau relationnel, au niveau du couple tout dépend comment cette baisse est vécue par les différents partenaires. S’il n’y a pas de frustration, il n’y a pas sujet à s’inquiéter. Le couple va bien. Mais s’il y a une frustration non exprimée, des non-dits, cela risque fort d'être un ferment de disputes larvées parce qu’il n’y aura pas satisfaction. Ce sont ces personnes seules ou en couple, que je rencontre dans ma pratique de sexothérapie en cabinet ou en visio conférence.
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