Parler de sexualité en famille n’est pas toujours aisé, mais est-ce que le problème a évolué ou est-ce encore tabou et compliqué? Nathalie Giraud-Desforges, sexothérapeute, répond à Airzen radio.
Sexualité et genre : tabou ou non ?
Evidemment, le sujet est bien moins tabou aujourd’hui. Le tabou, c’est un interdit. Or on observe que les radios, les podcasts, les réseaux sociaux, YouTube, des séries télévisées etc. s’emparent de ce sujet. Ce qui relevait autrefois de la sphère de la santé mentale fait partie aujourd’hui du « bien-être ».
Cette ouverture met la sexualité, c'est-à-dire tout ce qui peut parler des comportements amoureux, du genre, des pratiques sexuelles en avant. Néanmoins, cela ne signifie pas qu'il n'existe plus d’interdit. Bien entendu, il y en a encore. Mais je pense que les leviers sont intérieurs plutôt qu’extérieurs.
Que répondre à son enfant quand on n’est pas prêt.e à parler de sexualité ?
Si c'est le parent qui n'est pas prêt ou plutôt mal à l'aise avec le fait de parler de sexualité, au moment où l'adolescent ou l’enfant pose des questions, la réponse est simple. Pour ma part, je pense qu’il suffit de dire la vérité; à savoir que l’on est mal à l’aise sur le thème de la sexualité ou que c’est un sujet compliqué pour soi.
Pourquoi ne pas clairement dire pourquoi c’est compliqué. « tu sais dans ma famille on n’en parlait jamais… » , « j’ai peu d’information sur la sexualité », « je me sens démuni.e sur ce thème ».
Le parent peut suggérer une BD, pourquoi pas l’excellente série Sex Education sur Netflix. C’est aussi l’occasion d’ouvrir un dialogue autour de la sexualité.
Si on parle plus de la sexualité aujourd’hui, peut on estimer que les relations sexuelles sont plus saines ?
Une sexualité saine, c'est une sexualité qui est consentie, choisie et non déviante. Ce que j'appelle non déviante, c’est sans perversion qui soit punie par la loi. On voit bien qu’au-delà des perversions, il y a tout un ensemble de pratiques sexuelles qui étaient cachées voir moralement réprouvées et dont on parle maintenant au grand jour.
Certaines pratiques sont reprises dans des films tels que Cinquante nuances de Grey. Mettre un bandeau sur les yeux et ou être attaché.e en faisant l’amour n’était pas imaginable car pas lu, pas transmis, et donc pas accessible comme le spanking ou la fessée érotique.
La bougie de massage à l'huile chaude pour un massage sensuel al caliente était une pratique encore inconnue il y a quelques années
Notre imaginaire, qui a besoin d’être nourri, a de plus en plus accès à des propositions qui étaient inconnues.
Un autre grand changement, c'est aussi une diversité axée sur l’acceptation des genres.
Ce qui semble ne pas trop changer, c’est l’âge moyen des premières relations sexuelles. Elles se situent toujours vers 17 ans. Je pense que cette moyenne n’a pas changé car la base d’une relation sexuelle, c’est quand même la rencontre. C'est s'engager dans la relation.
Quelles sont les questions autour de la sexualité qui reviennent souvent chez les jeunes ?
Les questions qui reviennent quasi systématiquement à l'âge où l'on appréhende la sexualité pour la première fois tournent autour de la normalité.
Suis-je normal .e ? C’est à dire « est-ce que ce qui se passe chez moi est normal ? Je lis tous les blogs, les posts Instagram, je ne suis pas normal.e ». Là un parent peut expliquer que ce n’est pas parce que ça marche pour une femme ou pour un homme que ça va marcher pour toutes les femmes ou tous les hommes. Il y a mille et une facettes pour rentrer en contact avec sa peau, Peut être que tes tétons sont plus érogènes, peut-être que c'est la peau tout autour, peut-être que c'est la peau de ton poignée… etc. Mais ce qui marche pour une personne, ne marche pas forcément pour pour l’autre, et heureusement !
Que faire quand le seul repère vient des films porno ?
Quand "l'éducation sexuelle" a été faite avec les sites porno, les questions autour de la «normalité» sont exacerbées. Les jeunes en quête de repères et de comment faire, entrent dans des comparaisons qui sont évidemment biaisées.
J’encourage les jeunes à aller visiter le site Climax.how qui est une série éducative française sur le plaisir féminin mais pas que, avec beaucoup d'informations scientifiques. Une deuxième série va être préparé sur les hommes aussi d’ici peu. Ces séries sont très déculpabilisantes. Et représentent une source d'information très riche pour les parents qui peuvent les mettre à disposition de leurs ados en toute sécurité.
Ou bien comme alternative au porno gonzo, ce que je nomme le porno "beau", comme celui féministe - et oui un porno peut être féministe ! - de la réalisatrice Erika Lust.
Parlons du genre avec nos ados
Aujourd’hui on entend de plus en plus de personnes se revendiquer non-genré, cis-genre, non-binaire, asexuel, pansexuel et finalement je me demande si mettre des mots dessus ça ne crée pas de nouvelle cases plutôt restrictives et enfermantes.
En même temps, appartenir à une communauté est essentiel à l'être humain qui est un être social. S'il n'appartient pas à une communauté, il en est en quelque sorte exclu. Dans les temps anciens, l'exclusion d'une communauté voulait dire se couper du clan, de la sécurité matérielle, donc ces mots qui définissent le genre à la fois enferment dans des cases et rassurent.
Appartenir à une communauté de genre
Et puis, au moins, vous avez la possibilité de trouver votre propre étiquette, le chemin vers la découverte de son identité. Ce qui m’inquiète, c’est qu’avec chaque étiquette, il y a des codes, des consignes, des choses à faire ou à ne pas faire. Cela revient à intégrer une nouvelle communauté qui va vous juger pour vérifier si vous êtes « dans les clous » ou non. Si vous êtes un.e « bon » ou « vrai » pansexuel.le par exemple. On voit bien les limites de la communauté, l’enfermement que ça peut générer.
L’appartenance à un clan, peut enfermer l’ado dans une situation qui peut à nouveau supprimer sa liberté. Donc c'est à lui ou elle de voir si ça lui convient. Et si la situation ne lui convient pas, il faut beaucoup de courage pour certain.es afin de sortir d’une communauté qui par ailleurs peut être rassurante. En tant que parents, on peut être vite perdu.e face à ces questionnements.
Comment réagir face aux positionnements de son ado sur le genre ?
La première réaction à avoir est poser un regard bienveillant et non jugeant sur ces questions et de d’ouvrir la discussion. Évitez de vous poser d’entrée de jeu en opposition car votre ado va se braquer et clore toute discussion.
Il se peut aussi que votre enfant ne vienne pas vous poser de question mais que vous, vous en ayez. Fondamentalement si votre ado est heureux et épanoui soyez plutôt content.e pour lui/elle. Montrez-lui que vous voyez son bonheur et demandez-lui si il/elle veut bien vous en parler.
« Est-ce que tu as suffisamment confiance pour me dire ce qui se passe? Je vois que ça va bien pour toi ces derniers temps et c'est super ! Je voudrai juste comprendre un peu mieux se qui se passe pour toi »…
Mais si au contraire vous sentez votre ado mal dans sa peau expliquez-lui que vous avez observé un changement. Peut être revient-il/elle triste à la maison, peut être se dispute-t-il/elle plus souvent avec ses frères et soeurs, peut-être ne parle-t-il/elle plus etc. Montrez que vous vous intéressez à sa vie, à son bien-être.
Il est probable que votre ado ne souhaite pas que vous posiez de questions. Dans ce cas demandez-lui de vous parler en promettant de ne pas l’interrompre et surtout en vous tenant à votre engagement. Les ados ont un sens de la justice et donc de l’injustice très fort.
Que faire si les questions autour du genre et de la sexualité vous mettent encore mal à l’aise ?
De nombreux parents viennent de plus en plus avec leur ado rencontrer un.e sexothérapeute pour aborder les problèmes de genre et aider à l’ouverture de la discussion. Ce sont des expert.es reconnu.es dans leur spécialité à qui on peut poser toutes les questions possibles et qui savent écouter et mettre à l’aise. Ils écoutent avec bienveillance et sans juger et peuvent grandement aider à retrouver du lien avec son ado.
Le rôle du sexologue ou du sexothérapeute
Aller poser des questions à un.e sexologue, c’est poser s'alléger du poids des questions, poser son fardeau et pouvoir repartir en étant plus serein.e plus confiant.e, avec ce qui se passe pour soi. Il est plus facile aussi d'en parler à quelqu'un qu'on est pas sûr.e de revoir. Une personne autre qu'un parent, la psy du lycée, l'infirmière de l'école, le professeur, une tante, son parrain par exemple.
Aujourd'hui ce qui est rassurant pour les jeunes, c'est d'aller vers une personne qui normalement n'a pas de jugement et est ouvert pour écouter la parole et qui est expert.e sur la sexualité.
On vient me voir parce qu'il y a quelque chose qui dérange, qui est embarrassant. Souvent les jeunes se jugent durement. Donc venir en consultation, c’est avoir une autre écoute, un autre point de vue, c'est élargir les perspectives pour aborder une question à laquelle la personne n'avait pas du tout pensé. C’est trouver une ouverture là où tout était fermé. Et ça fait du bien!
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