En mars 2023, Nathalie Giraud Desforges sexothérapeute parisienne a eu l'opportunité d'animer pendant 3 jours des ateliers d'éducation à la santé sexuelle auprès de 250 ouvrières de la société Cajou Espoir au Togo
Dans le petit dispensaire ouvert en 2011, Nathalie et Agnès, l'infirmière employée par la société Cajou Espoir accueillent les ouvrières par groupe de 10 pour parler sexualité. L'ambiance est joyeuse mais aussi un peu timide autour d'un sujet peu abordé. Nathalie pose les bases de la discussion en se présentant en tant que femme, épouse, mère et sexothérapeute puis insiste sur la confidentialité des échanges. L'ambiance se détend, les rires fusent et les questions abondent.
Une entreprise consciente des enjeux de la santé sexuelle
Cajou Espoir est la plus grande usine de transformation de noix de cajou du Togo. Cette société solidaire créé en 2004, emploie quasi 1000 personnes sur deux sites et permet à un grand nombre de petits fermiers de subvenir à leurs besoins et de financer un accès aux études à un très grand nombre d'enfants et d'étudiant.es. L'une des ouvrières a d'ailleurs partagé avec Nathalie son espoir de voir sa fille un jour médecin. La plupart des employés de l'usine sont des femmes, c'est pourquoi l'idée d'une éducation de base à la sexualité a tout de suite plu aux dirigeants dont le PDG est conscient des enjeux de santé et de l'impact de l'absentéisme sur son entreprise.
Pays d'Afrique de l'Ouest, le Togo est un petit pays de 8,6 millions d'habitants. On y parle officiellement français mais le pays dénombre environ 50 dialectes. 35% des togolais pratiquent une religion traditionnelle africaine, 30% sont chrétiens et 20% musulmans.
Un vide abyssal d'information de base
Munie de sa marionnette Pomponne, Nathalie répond aux questions des femmes présentes. Car beaucoup ont mal pendant les rapports sexuels et n'osent en parler. D'ailleurs, à qui pourrait-elles en parler ? Les médecins sont des hommes et coûtent trop cher. Dans ce pays très patriarcal, il faut demander l'autorisation à son époux pour consulter un médecin. Mais une autre crainte est aussi présente dans ce pays polygame : et si mon mari épousait une autre femme et se détournait de moi si je lui dit que j'ai mal lors de la pénétration ou si je lui indique mes besoins ? C'est pourquoi beaucoup subissent en serrant les dents, se taisent et que la douleur devient « normale ». Or, elle ne l'est pas, et c'est ce que ces femmes courageuses ont découvert en discutant avec Nathalie dont les propos étaient traduits par Agnès.
Nathalie qui a montré le rôle du périnée, sa location physique, a proposé des exercices de respiration et de contraction/ décontraction du périnée et expliqué ce qu'est une descente d'organe ainsi que le besoin de rééducation du périnée après une naissance. Enfin ! S'exclame l'une d'elle, je comprends mon corps et je peux le contrôler !
S'adapter aux conditions et à la culture locale
Il a aussi été question de lubrification pour aider la pénétration à être plus agréable. Mais quel produit conseiller dans un pays où les revenus sont minces ? Qu'à cela ne tienne, Nathalie a essayé de nombreuses solutions et conseille le beurre de karité. Un produit peu cher, disponible facilement et surtout que les femmes peuvent faire fondre elles-même en prenant soin de ne pas laisser de morceau de coque ou de graines qui peuvent faire mal... Et puis, le beurre de kariné peut aussi servir à masser le périnée pendant la grossesse et après.
De nombreuses questions concernaient aussi les règles. Que faire lorsqu'elles sont douloureuses ? Le sang est-il impur ? L'odeur est-elle « normale » et de très nombreuses autres questions posées en privé. Le rôle du clitoris a aussi été abordé bien qu'il ait été demandé de ne point trop en dire. Beaucoup de femmes semblaient gênées, d'autres rieuses en savaient un peu plus sur le plaisir lié au clitoris. Au Togo, l'excision est interdite depuis 1998 seulement et bien que le pays fasse figure de modèle sur le continent africain avec moins de 1% de jeunes filles excisées (2017) ; beaucoup de femmes souffrent des effets psychologiques et physiologiques d'une excision infligées par leur mère. Effet pervers de l'excision, ne ressentant aucun plaisir lors de l'acte sexuel, beaucoup ont vu leur mari devenir polygame. Et puis, de nombreuses exciseuses, certes repenties, regrettent les revenus conséquents qu'elles en tiraient.
Quel avenir pour les ateliers sur la sexualité ?
Très appréciés, les ateliers ont reçu l'aval de l'entreprise et des employés. Les hommes ont d'ailleurs demandé à participer, eux aussi, à des ateliers pour l'an prochain. Et puis, sourit Nathalie, l'Iman ne s'est pas manifesté contre... Nathalie sera donc de retour au Togo en 2024 avec de nouvelles solutions pour atténuer les règles douloureuses avec des produits locaux à base de mangue et papaye qu'elle a un an pour tester en France. En attendant, c'est Agnès, désormais mieux formée et fière de ses nouvelles compétences, qui répondra avec bienveillance aux questions des ouvrières de l'usine.
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Merci Alain ! A toi qui oeuvre en France pour la prise de conscience de l'épilepsie ...
Merci Nathalie pour ce reportage très intéressant qui m’a appris des choses et qui a une véritable utilité pour ces femmes et leur intégrité physique !